Lettre N°203 du Pr Henri Joyeux – Le 13 novembre 2018

I. L’influence majeure de l’alimentation et des sols

« De tous les composants de nos liquides corporels, c’est l’acide qui a les effets les plus nocifs » .Hippocrate (460 à 377 av. JC)  

« Depuis toujours, nos comportements alimentaires sont guidés par la survie. Pour qu’un aliment soit ingéré, il ne suffit pas qu’il soit bon à manger. Il doit aussi être “bon à penser” . » Claude Lévi-Strauss(1908-2009)

Notre Santé dépend de ce que nous mangeons

L’équilibre acide-base ou acido-basique est un sujet essentiel, vital et complexe. Il impose des explications scientifiques simplifiées pour être à peu près compréhensibles par tous. Il dépend en partie de nos habitudes alimentaires et celles-ci de ce que le sol nous offre comme nourriture.

Première constatation : notre alimentation a beaucoup changé depuis un siècle, du fait d’une consommation excessive de sucres et de protéines animales issues d’une agriculture de plus en plus productiviste.

– L’apport calorique (sucres et gras de mauvaise qualité) a nettement augmenté passant de 80 à 90 Calories pour 100 grammes d’aliments à 150 à 200 calories.

–  La consommation de viandes et charcuterie est passée de 30kg par personne et par an à 100kg.

Deuxième constatation

La consommation de végétaux a beaucoup faibli : 15g grammes de fibres par jour soit 1/6èmede la consommation d’il y a 100 ans. Elle repart fort heureusement à la hausse pour le bien et la santé des consommateurs mais reste encore fortement insuffisante. En 2018, seulement 25% des français consomment 5 fruits et légumes par jour, ce qui démontre la faible efficacité des campagnes publicitaires en matière de santé. La valeur nutritionnelle des végétaux comme celle des animaux que nous consommons s’est beaucoup réduite du fait de la généralisation des pesticides.

Troisième constatation

La sédentarité ne permet pas d’éliminer les pollutions multiples, associée aux stress qui paralysent et aux consommations médicamenteuses excessives et abusives qui envahissent l’organisme.

Ainsi nos cellules en particulier hépatiques sont surchargées. L’énergie cellulaire est mise à mal au niveau de la centrale énergétique de chaque cellule, qu’est la mitochondrie. Grâce à l’oxygène apporté à la cellule, la mitochondrie fait fonctionner un cycle énergétique découvert par Hans Krebs en 1937. Il est nommé, cycle de l’acide citrique.Il prend en charge pour en faire de l’énergie, de manière différente les glucides, les acides gras et les acides aminés issus de la transformation des aliments par la digestion en nutriments.

On sait depuis longtemps qu’une oxygénation cellulaire amoindrie favorise le cancer et que les cellules cancéreuses sont souvent en carence d’acide citrique ou citrates. L’apport de citrate pourra donc favoriser la respiration cellulaire et nuire au développement de cellules dangereuses pour tout l’organisme.

Des confusions fréquentes en matière d’acidité

On confond souvent le goût acide de tel ou tel aliment avec l’acidité de l’organisme. Assimiler goût et acidification de notre corps fait partie des erreurs classiques liées à des informations insuffisantes.

Beaucoup heureusement savent déjà, depuis Hippocrate et c’est démontré aujourd’hui, qu’acidifier son organisme n’est pas bon pour la santé et inversement. Nous verrons donc que globalement les aliments à goûts acides n’acidifient pas l’organisme bien au contraire.

Ce qu’est l’équilibre acide-base

L’équilibre acide-base d’un milieu ou d’une solution dépend de la concentration respective en ions[1]H+ et OH-.

Ainsi est « acide” tout corps qui peut céder des ions H+; à l’inverse est une ”base” tout corps qui peut accepter des ions H+. Un ion est électriquement chargé, il est soit positif, nommé cation, soit négatif nommé anion.

L’équilibre acide-base a donc été arbitrairement défini par la concentration en ions H+ d’une solution. Il mesure l’activité chimique des ions hydrogène en solution. On l’exprime par le pH ou potentiel Hydrogène.

Dans l’organisme cet équilibre est maintenu par plusieurs processus qui permettent un niveau presque constant de concentrations en Ions H+ dans le milieu intérieur, donc pour l’humain dans sa circulation sanguine.

Ces processus, nommés systèmes tampons s’opposent aux agressions acides ou inversement alcalines dans le seul but de maintenir l’équilibre.

Ainsi le pH du sang est très stable, autour de 7,40, évoluant entre 7,38 et 7,40. Au dessous de ces normes, on parle d’acidose et au dessus, d’alcalose.

Notre corps comme nous le verrons est donc parfaitement organisé pour maintenir l’équilibre.

L’influence de l’alimentation sur l’équilibre acido-basique

L’apport et la production d’ions H+ dans l’organisme humain dépend essentiellement de nos consommations alimentaires.

Les ions H+ proviennent  de ce qu’on appelle le catabolisme, c’est à dire de la dégradation des molécules complexes consommées en s’alimentant afin qu’après la digestion, simplifiées par les enzymes de la salive et du liquide de l’estomac, elles soient absorbées par le tube digestif pour passer dans le sang. C’est le passage de la barrière hémato-intestinale des nutriments.

Ces molécules possèdent toutes les 4 atomes essentiels à la vie : Carbone (C), Hydrogène (H), Oxygène (O) et Azote (N ou Nitrogen).

Ainsi les hydrates de carbone se dégradent en glucides simples, les protéines en acides aminés et les graisses ou lipides en acides gras.

Ce sont les protéines qui sont la source la plus importante d’ions acides H+.

Notre alimentation peut donc être chargée d’éléments nutritionnels acidifiants ou non.

– Les aliments acidifiants sont essentiellement d’origine animale : viandes rouges, charcuterie, tous les produits laitiers animaux, (beurres, fromages, yaourts, laits, crèmes glacées ou brûlées),  poissons, sucres raffinés, sodas, cocas, alcools, nicotine retrouvée dans l’alimentation par sa concentration dans la salive.

– Les aliments alcalinisants sont surtout d’origine végétale : les fruits, légumes, légumineuses, les céréales, les minéraux des végétaux surtout les calcium, potassium, magnésium.

– Les aliments peu alcalinisants et ou légèrement acidifiants, les asperges, l’oseille, les poireaux, les artichauts, les choux de Bruxelles, les oignons, l’œuf à la coque, certains miels, la rhubarbe, les oranges, les abricots, les prunes, les noisettes, les pistaches…

La consommation de fruits à goût acide est évidemment déconseillée le soir au coucher.

On le voit clairement le végétal nous veut plus de bien que les produits animaux. C’est une des raisons de la mode du Véganisme, qui refuse la consommation de tout produit d’origine animale (miels, œufs, fromages de qualité..).

Ainsi ce qui a un goût acide est souvent alcalinisant, les citrons, les agrumes, les pommes.. De plus tous les fruits, les légumes et légumineuses apportent des minéraux de qualité indispensables au fonctionnement cardiaque (le potassium[2]), au système osseux (le calcium et le phosphore), au système nerveux (le magnésium).

Les végétaux imposent une mastication lente et complète, qui stimule olfaction et goûts. Cela démontre l’intérêt du système dentaire, de la salivation et s’oppose radicalement aux habitudes alimentaires modernes de consommation des produits alimentaires industriels, souvent liquides ou pâteux et par conséquent trop cuits.

Si en changeant ses habitudes alimentaires, malgré une mastication correcte, on ressent des ballonnements après consommation des crudités, mieux vaut alors les passer à la vapeur douce. Cela est d’autant plus nécessaire pour éviter la formation des phytates (fibres mal broyées et peu mastiquées) à l’origine de malabsorption intestinale, en particulier de malabsorptions minérales notamment celle du fer.

Comment calculer son niveau d’acidité

L’indice PRAL ou Potential Renal Acid Load[3] pour les spécialistes

Il s’agit du « potentiel de charge rénale acide » qui  évalue   la charge acide (ou alcaline) générée dans l’organisme par 100 g d’aliment.

Il calcule donc l’influence de l’aliment sur l’équilibre acide-base.

  • Pral >0 : l’aliment est acidifiant
  • Pral <0 : l’aliment est alcalinisant
  • Pral = 0 : l’aliment est neutre et donc ne modifie pas l’équilibre acido-basique.

Cet indice n’est pas à prendre à la lettre, il oriente simplement les conseils nutritionnels que l’on peut donner à un patient.

En voici quelques exemples en milliéquivalents (mEq) pour 100 gr d’aliments :

 – les alcalinisants : Abricots–4,5 ; Banane – 7 ; Cannelle – 24 ; Cumin –31 ; Curcuma –45 ; Epinards –12 ;Jus de citron – 2,4 ; Melon – 5 ; Noisettes – 3 ; Orange – 3 ;Pomme de Terre – 5 ; Quinoa – 0,20 ; Tomates –4 …

 – les acidifiants : Beurre +0,5 ; Camembert +13 ; Comté +23 ;  Bœuf +13 ; Jambon+12 ; Pain Blanc+3,7 ; Pain complet+1,8 ; Parmesan +28 ; Poulet +14 ; Saucisse +9 ; Cacahuètes +6 ;  Yaourt +0,20 ; les jus de fruits du commerce + 1 au minimum selon la quantité de fructose industriel…

Les stress augmentent l’acidité en mettant en action le système végétatif

Le stress pousse très souvent à consommer inconsciemment des produits sucrés. L’addiction aux sucres est plus forte car plus insidieuse que celle à la cocaïne.

Les cellules sont donc plus ou moins envahies de glucides qui ne sont pas brûlés par une activité physique régulière, si possible croissante, qui par la transpiration acide éliminerait des ions H+. Les glucides en excès fermentent et se transforment en acide lactique en particulier.

Le ou les stress influencent la respiration, qui devient plus superficielle du fait des tensions et angoisses à répétition. Le corps reçoit trop peu d’oxygène et n’élimine pas suffisamment d’acides sous la forme de gaz carbonique.

Le stress stimule aussi les glandes surrénales (les américains disent « adrenal fatigue ») et donc la formation de cortisol qui passe dans le sang. Il réduit les défenses immunitaires, fait sortir magnésium et calcium de l’os qui se perdent dans les urines et stocke le sodium que suit l’eau créant des oedèmes par rétention. Ainsi le stress fait prendre du poids. Le manque de sommeil est aussi la conséquence du stress et accroit les risques de surpoids.

Le corps qui s’acidifie à l’excès s’épuise. Celui qui voit rouge en permanence voit son acidité augmenter et trop d’acides favorisent la libération des hormones du stress, en particulier des cortico-stéroïdes fabriqués par les glandes surrénales. Ils libèrent le sucre des cellules et donc augmentent la glycémie.

Le stress crée ainsi une acidose latente, l’ostéoporose et la fatigue chronique.

Les hormones du stress, adrénaline en excès et glucocorticoïdes conduisent à l’immuno-dépression à laquelle se surajoutent les risques infectieux.

C’est ce que l’on observe avec ces mots anglais, « inflammaging » qui réunit inflammation et vieillissement ; et aussi « carbaging » qui réunit sucre et vieillissement, ou encore « slagging » que l’on peut traduire par « encrassage ».

Dans le grand dernier chapitre, l’équilibre acide-base de la Terre est aussi important que celui de l’Homme : soigner la Terre c’est soigner l’Homme[4]

Consommer des aliments trop acides exige des réactions opposées qui surchargent l’organisme.

L’acidité d’un sol, son pH, constitue avec sa texture un facteur essentiel pour la vie des plantes et celle de ceux qui les consomment les animaux et les hommes. La fatigue des sols ne peut donc que fatiguer les animaux et l’homme.

L’urgence de l’urgence c’est donc la vie des sols. Une terre alcaline a le plus souvent une forte teneur en calcaire. Une terre acide se définit par l’absence totale de calcaire. Une plante exigeant un sol acide souffrira donc en terre calcaire et inversement. Il est donc utile de connaître l’acidité d’une terre à cultiver.

L’apport d’engrais acides sans travail du sol concentrera l’acidité en surface. Pour limiter les variations de pH, le sol possède un pouvoir tampon : des minéraux contenant de l’aluminium peuvent se solubiliser alors que d’autres peuvent être bloqués (le phosphore par exemple). La présence d’aluminium, Al3+ dans la solution du sol peut être toxique pour les végétaux. Il en est de même pour l’homme comme on le vérifie dans les vaccins ou avec l’apport des anti-acides dans l’estomac.

L’acidité peut donc perturber la fertilité d’un sol et tout autant de l’humain.

De plus l’élévation du pH dans un sol acide permet d’accroître la biomasse bactérienne ainsi que la quantité et la diversité des vers de terre, améliorant la décomposition de la matière organique. C’est la vie organique au service de l’Humain.

Comme le dit le couple Lydia et Claude Bourguignon, « La seule chose qui puisse sauver l’humanité des grandes catastrophes c’est l’agriculture biologique & la biodynamieL’agriculture biodynamique ne coûte rien. Elle se fait uniquement avec des préparations manuelles. Elle peut être enrichie des savoirlocaux. Elle est d’une simplicité extraordinaire. L’agriculture biodynamique correspond de plus parfaitement à la mentalité des pays du Tiers-Monde qui ne sont pas choqués de travailler avec des notions de forces cosmiques. » Ce n’est pas pour demain, mais c’est l’avenir de la terre et le notre.

Produits végétaux et animaux dépendent de leurs origines : la façon dont on les produit. L’agriculteur reste le premier acteur de notre santé, et sans vraiment le savoir le chef d’orchestre de notre propre équilibre acido-basique. Il faut absolument le valoriser et ainsi on créera plus d’emplois. La terre et ceux qui s’en occupent ont besoin de respect. Ils sont à la base de notre santé.

Nous verrons la semaine prochaine comment l’organisme est fort heureusement capable de maintenir l’équilibre acide-base, mais ce ne sera en aucun cas une raison pour le surcharger.

Bien à vous tous

Pr Henri Joyeux

Sources

[1]Le nom « ion » a été créé  en 1834 par Michael Faraday,(1791- 1867) pour désigner les espèces chimiques responsables de la conductivité électrique dans les solutions. Faraday voulait expliquer le transport du courant dans les solutions d’électrolytes.        

Un ion est donc un atome ou une molécule portant une charge électrique. On distingue deux grandes catégories d’ions: les cations chargés positivement, et les anions chargés négativement.

[2]Attention, il ne s’agit pas de chlorure de potassium, qui injecté par voie veineuse directement peut arrêt le cœur instantanément.

[3]Indice imaginé par les Dr Thomas Remer etFriedrich Manz, spécialistes de l’équilibre acide-base à l’Institut de recherche pour la nutrition des enfants à Dortmund en Allemagne. Cet indice s’exprime en milliéquivalents (mEq).

Thomas Remer and Friedrich Manz « Potential Renal Acid Load of Foods and its Influence on Urine pH », Journal of the American Dietetic Association, vol. 95, no 7,‎ 1995, p. 791–797

[4]C’est le thème de nos conférences avec Pierre Rabhi

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