Article de Thierry Fournier – Professeur de Lettres et Chef d’Établissement d’une cité scolaire.

La plupart des jeunes savent probablement de quoi il s’agit, et devraient s’empresser d’instruire leurs parents ou leur professeur sur le sujet, à la simple lecture de ce titre insolite.

Pour ma part, il y a seulement un mois, je n’avais jamais entendu parler de la Paris Games Week (PGW). J’en ai fait personnellement la découverte à la fin du mois d’octobre, et je dois dire que cet événement francilien a été pour moi comme une révélation, qui a fait tomber quelques idées reçues…

Pour le profane, que peut donc signifier ce barbarisme anglophone? Le mot « games » nous met sur la voie. La PGW n’est rien moins que le 3èmesalon mondial des amateurs de jeux vidéos, après le Taipei Game Showen Chine et la Gamescomde Cologne en Allemagne. L’édition parisienne a accueilli cette année 316.000 visiteurs… en 5 jours !

Il suffisait de regarder ces jeunes enjoués sortir des bouches de métro par milliers et se précipiter les premiers vers les guichets, allongeant les interminables files d’attente avant de s’engouffrer irrésistiblement vers le salon de leurs rêves, pour avoir envie de partager ce moment avec eux.

À l’intérieur, les décibels vous déchirent d’abord les oreilles. Puis, on s’y fait, un peu comme on s’accommode de l’obscurité à la lumière. Alors, vous déambulez dans le salon-cathédrale des 80.000 m² sans en faire jamais vraiment le tour. Chacun des presque 200 exposants déploie son univers de musique, de lumière, de scintillements et, surtout, de jeux, car c’est pour cela que la plupart des jeunes ont fait le déplacement, venus de tous horizons. La clientèle, cosmopolite, bigarrée, et parfois même excentrique, n’a aucun complexe à arborer la tenue, l’armure ou la panoplie de ses héros préférés. On pose à leurs côtés, le temps d’une photo, d’un cliché.

Ici, on se livre à des compétitions géantes, animées de commentateurs dignes du Stade de France. Là, garçons et filles de tous âges dansent, libérés de toute entrave, vacances de la Toussaint obligent… c’est une foule pacifique aux performances olympiques qui se mesure aux quatre coins du salon. Courses de voitures, combat d’adversaires tous aussi monstrueux et imaginaires les uns que les autres, insurmontables défis à relever dans la vraie vie. D’une apparence faussement nonchalante, les jeunes donnent tout ce qu’ils ont, une fois la manette de jeu entres les mains.

Pour les séniors, entendez par là les plus de 35 ans, on retrouve les consoles de jeux d’antan, désormais rangées au rayon des collectors. Bref, il y en a pour tous les goûts et… pour tous les âges (ou presque), le tout dans une ambiance bon enfant.

Voilà qui m’a fait réfléchir…

A l’heure où les jeux vidéos gagnent un terrain impressionnant, générant chaque année plus de 100 milliards de dollars de recettes au niveau mondial (soit davantage que le cinéma et la musique réunis), des doutes émergent sur la possibilité d’une société décadente, sinon déclinante.

J’ai moi-même, à plusieurs reprises dans ces lettres, pointé les risques d’une utilisation excessive ou déraisonnée des jeux vidéos, notamment lorsque ceux-ci entrent en concurrence avec les heures de sommeil ou le temps que tout adolescent devrait consacrer à son travail scolaire, à sa vie familiale et sociale ou à ses autres activités. L’épanouissement d’un être ne devrait jamais pouvoir se réduire à un seul centre d’intérêt. Tout comme nous sommes omnivores, c’est-à-dire que notre organisme réclame une alimentation variée pour subsister, notre psychisme, pour ne pas dire notre biologie humaine, a besoin de sollicitations sensorielles, sensitives et intellectuelles diversifiées. Le jeu vidéo, pas plus d’ailleurs que la pratique du foot ou d’un instrument de musique, ne constitue en soi une panacée. Il convient donc de trouver l’équilibre en toutes choses.

Je m’insurge ici contre ceux qui accusent les jeux vidéos de tous les maux, dont ceux de couper les jeunes de la société et de faire d’eux des personnes violentes. À l’heure où la communauté internationale vient de commémorer le centenaire de la fin de la Grande Guerre, ses presque vingt millions de morts, et bien davantage encore de blessés et d’amputés à vie, on se rappellera que n’existaient à l’époque ni les films d’horreur ni les jeux violents.

Quant à Jack l’éventreur, il commit les pires atrocités en 1888, à l’époque où le monde moderne se résumait à la locomotive à vapeur et au balbutiement de la photographie. Le tueur en série de Whitechapel n’avait jamais joué aux jeux vidéos ! Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire des civilisations, la barbarie, la torture ont été au rendez-vous des hommes. Jésus-Christ n’a-t-il pas été crucifié ? Et Jeanne d’Arc brûlée vive, tandis que ses bourreaux faisaient écarter le brasier, après qu’elle eut succombé, pour contempler les chairs rouges et noircies de la pucelle d’Orléans, âgée de dix-neuf ans ? Alors non, le jeu vidéo n’est pas la racine du mal qui hante le monde.

Les jeunes gamers sont très conscients du regard que portent les adultes sur leurs jeux, raison pour laquelle c’est souvent en cachette, pour ne pas dire avec une certaine honte, qu’ils pratiquent leurs passions, n’osant jamais en parler aux non-initiés, et donc à leurs parents en premier, de peur d’être mal jugés. Aussi, je vous invite, parents, à vous asseoir dans un bon fauteuil, près de votre enfant, et à le regarder jouer. Ne vous laissez pas impressionner par les monstres à tuer ou par la brutalité apparente. Prenez le temps de comprendre le défi à relever, et suivez la progression du personnage qui se confond assez souvent avec la personnalité du joueur. Sans trop vouloir vous immiscer dans sa sphère de jeux, surtout si votre enfant est déjà grand, intéressez-vous à ce qu’il fait et, si vous osez, demandez-lui de vous initier. Vous vous demanderez alors comment il fait, et découvrirez chez lui plus d’un talent caché.

Dans les jeux les plus élaborés, car tous ne se valent pas, vous apprécierez la richesse des graphismes, et la grande qualité musicale, souvent symphonique, qui accompagne les péripéties du héros. Le jeu vidéo est bel et bien un produit artistique. Il est la somme des plus grands concepteurs mondiaux, en matière de créativité et d’innovation technologique. La concurrence est démentielle, et complètement mondialisée. Alors, dire que le gamer est coupé du monde relève de la caricature. C’est même une grossière erreur. N’en doutons pas, les jeunes sont reliés au monde, mais d’une autre manière que celle que nous avons connue. A nous de percevoir cela, et de les accompagner d’une façon qui les rejoigne, et non qui les culpabilise.

Pas d’obscurantisme sur la jeunesse !

Il n’est rien de plus affligeant pour un jeune que de faire quoi que ce soit avec le sentiment de faire mal. Apprenons-lui plutôt à gérer et à diversifier ses activités. Il est vrai que le jeu vidéo peut facilement rendre accro, agissant directement sur les neurones, mais il ne saurait être banni ni même être mis sur un même niveau d’addiction que les substances chimiques ou toxiques que sont les vraies drogues. A ce propos, on notera que le gamerne consomme généralement ni alcool ni produit stupéfiant.

En cette Paris Games Week2018, j’ai vu des jeunes heureux. Et s’ils sont si nombreux à se mobiliser pour de tels événements, c’est précisément pour dire qu’ils ne sont pas coupés du monde et qu’ils ont besoin de rencontrer d’autres jeunes pour « communier » ensemble, dans l’humain. Voilà ce que j’ai vécu et que j’ai tenu à vous partager.

Alors, pas de jugement hâtif. Toujours connaître, comprendre, accompagner.

Telle est notre première vocation d’éducateur.

 

Thierry Fournier

Site officiel :www.thierry-fournier.com

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