Lettre N°34 du Pr Henri Joyeux – Le 6 novembre 2014

Ce qui est bon dans le vin : le French paradox

Les vins ont plus de mille constituants. Nous verrons les plus importants.

L’eau d’abord, qui constitue 85 à 90 % d’un litre de vin. Cela permet de comprendre qu’il n’est pas logique de mélanger le vin et l’eau, sauf le nuage de vin chez l’enfant au-delà de 10 ans, en lui expliquant pourquoi tant qu’il est petit.

L’apport calorique reste faible car un verre de vin n’apporte pas plus de calories qu’une pomme, soit 50 calories.

Chez l’adulte, notre collègue le Pr Serge Renaud (1927-2012) a été le premier à découvrir le French paradox [1], en démontrant que la mortalité cardio-vasculaire est relativement plus basse en France alors que « le régime alimentaire contient beaucoup trop de graisses saturées (viandes rouges et charcuterie) et que les concentrations sanguines en cholestérol sont similaires à celles que l’on trouve aux USA ou en Angleterre. »

Serge Renaud et ses collaborateurs ont montré que la cause de ce paradoxe était à rechercher dans la consommation de vin. Dans une publication ultérieure, ils ont démontré, sur une cohorte de 36 000 personnes, qu’une consommation modérée de vin était associée à une nette diminution de la mortalité par hypertension.

Pour la collaboratrice de Serge Renaud, le Dr Dominique Lanzmann-Petithory, gériatre, docteur en épidémiologie de la nutrition, « l’effet négatif de l’alcool contenu dans le vin, bien réel – quand il est consommé en excès – est plus que compensé par l’effet positif des nutriments contenus dans le vin. » Ne traduisez pas buvant n’importe comment et sans limites !

Le polyphénol le plus connu, le Resvératrol, est un puissant antioxydant, antivieillisement présent dans la peau du raisin et ensuite dans le vin rouge

Il est présent dans le vin rouge aux taux de 6 à 60 mg par bouteille selon les crus. Chez la souris, ce polyphénol est actif à la dose de 2,5 mg/kg/jour contre le diabète de type II [2]. Pour obtenir un effet équivalent chez l’homme, une dose de 15 mg de Resvératrol par jour devrait être suffisante, ce qui correspond à consommer un verre de vin à chaque repas, soit 250 ml au total par jour.

Le Resvératrol, déjà dans la peau du raisin, est beaucoup plus présent dans les vins rouges (2 mg/l) que dans les blancs (0,2 mg/l). Son pouvoir antioxydant est 20 fois supérieur à celui de la vitamine E, il réduit le mauvais cholestérol (LDL), inhibe l’agrégation des plaquettes avec un effet plus temporaire que l’aspirine comme fluidifiant du sang.

A propos du cancer du sein : où sont les risques ? 

Le vin aurait des effets anticancer in vitro sur des tumeurs expérimentales, et même anti-œstrogénique, mais in vivo certaines études épidémiologiques ont montré qu’un seul verre de vin augmenterait les risques de cancer du sein.

En réalité, il faudrait ne pas oublier d’interroger d’abord les femmes à propos de leurs consommations hormonales qui sont directement et principalement en cause. Là encore, les lobbies des hormones sont encore trop puissants. Ils savent parfaitement minimiser ou réduire à minima des risques majeurs.

Les femmes, dans les dossiers médicaux, sont curieusement très peu interrogées quant à leur consommation hormonale. S’il est noté à l’heure du diagnostic qu’elles prennent ou pas d’hormones, jamais n’est notée la quantité d’hormones consommées au total. Elle dépasse de plus en plus souvent 10 à 15 ans et les doses sont considérables pour des organes très hormonosensibles.

On peut considérer le Resvératrol comme un pesticide naturel produit par le raisin pour se protéger contre bactéries et champignons (mildiou) et aussi sous l’effet du stress. Nous verrons le même phénomène du pesticide naturel avec l’huile d’olive qui contient d’autant plus de polyphénols que l’olivier est stressé par le manque d’eau et la forte chaleur.

La ”Rutine” est un autre polyphénol

Il participe à la contraction de la musculature lisse des côlons et du rectum et ainsi à l’avancée des matières avant leur évacuation. Pas cher et plus agréable que les traitements modernes de la constipation. Du temps du Cardinal de Richelieu, le verre de Médoc était sa tisane !

  • La Quercétine est un polyphénol antioxydant de la famille des flavonoïdes. C’est un des composants actifs de l’ail. On en retrouve également dans les câpres, les choux (de toutes sortes), les baies, le raisin, les haricots verts, le thé, les oignons (rouges), les pommes et le sarrasin. Le vin rouge contient quelques dizaines de mg/l, suivant les cépages et la macération. La quercétine comme complément alimentaire est efficace dans le traitement de la prostatite chronique, par son rôle anti-inflammatoire et antioxydant.
  • Deux sortes de constituants anti-alcool participent à la métabolisation de l’alcool : la thiamine ou vitamine B1, et les autres vitamines du groupe B d’autre part, qui modulent les effets de l’alcool. Dans les cas de sevrage alcoolique et en particulier de delirium tremens, on ajoute aux traitements la vitamine B1, et en plus la B6 et la PP (B3) qui, lorsqu’elle manque, donne des troubles de la mémoire.

L’étonnant taux des acides aminés essentiels

Il est intéressant enfin de signaler son apport en acides aminés essentiels, à des taux très proches de ceux observés dans le sang humain. Je fais remarquer que les 4 éléments C (carbone), H (hydrogène), O (oxygène) et N pour l’azote, symbolisent biologiquement la vie humaine. Ils sont présents dans les acides aminés essentiels spécifiques de l’homme qui sont les chaînons constitutifs des protéines vitales. Ces acides aminés essentiels – que l’on ne peut pas se procurer autrement que par l’alimentation – sont au nombre de 8 et curieusement aux mêmes taux dans un litre de vin rouge que dans un litre de sang humain. « YHWH, Dieu n’a pas trouvé de plus auguste matière pour la transformer en son sang », remarqua l’écrivain Huysmans (1848-1907) dans son livre L’Oblat.

Taux des 8 acides aminés essentiels (mg/l) dans le vin et le sang humain :

Les 8 acides
aminés essentiels
VIN rouge à 12°
SANG humain
Thréonine 
16,4
9-36
Valine 
21,7
19-42
Méthionine 
6,2
2-10
Tryptophane 
14,6
4-30
Phénylalanine 
25,5
7-40
Isoleucine 
12,4
7-42
Leucine 
32,2
10-52
Lysine
51,7
14-58

La minéralité des vins donne les arômes, les touches olfactives et gustatives

Je rappelle l’importance du maintien et de l’entretien du goût et de l’odorat qui, lorsqu’ils faiblissent, sont les premiers signes des maladies neurodégénératives, Parkinson et Alzheimer en premier. On retrouve l’intérêt du verre de bon vin pour éviter ces maladies.

  • Les minéraux (jusqu’à 5 g par litre) : Le calcium pour les os (80 mg/l) ; le potassium (jusqu’à 1 g/l, plus dans les rouges que dans les blancs [3]) pour le cœur ; le magnésium (60 à 150 mg/l) pour les muscles ; le sodium (10 à 40 mg/l) plus concentré dans les vignobles de bords de mer.
  • Les oligo-éléments : Les vins issus de l’agriculture conventionnelle (AC) ont un contenu en fer (10 à 20 mg/l) légèrement supérieur (écart de 23 %) à celui des vins issus de l’agriculture biologique (AB), mais ils contiennent moins de cuivre (écart de 74 %) que les vins AC. Il faut ajouter comme cofacteurs de réactions enzymatiques : silice-soufre-manganèse-zinc-chrome (avec le vieillissement du vin) et iode des bords de mer.

Les effets du vin dans notre organisme

Les conséquences immunitaires de 500 ml de vin par jour (5 verres de vin) [4] à 12° pendant deux semaines

Le test a été réalisé par une équipe allemande de Karlsruhe chez 24 hommes âgés en moyenne de 30,6 ± 1,4 ans et pesant 79,7 ± 1,4 kg consommant pendant deux semaines jusqu’à 500 ml de vin par jour. Les auteurs ont recherché les conséquences sur le système immunitaire avec les paramètres suivants (pour les spécialistes) : activité phagocytaire de globules blancs neutrophiles et monocytes – production de TNF alpha – inteleukine 2 et 4 – TGF bêta – prolifération lymphocytaire – activité des natural Killers (NK) et pourcentage des lymphocytes apoptotiques. Ils n’ont pas trouvé de perturbations significatives, et concluent évidemment qu’on ne peut extrapoler ces résultats sur des périodes plus longues.

  • Comme apéritif, les vins doux peuvent ouvrir l’appétit, créant une certaine salivation avec la sécrétion de ptyaline ou amylase, on dit que l’eau vient à la bouche. Cette enzyme transforme l’amidon en dextrine, en maltose et glucose. C’est pour cette raison qu’il est bon d’ajouter à l’apéritif quelques végétaux, comme des petits légumes à croquer.
  • Le vin consommé en milieu ou en fin de repas facilite la digestion des repas gras 
  • Le vin surtout rouge est diurétique et antiseptique urinaire. Il a des vertus antibiotiques en particulier contre les colibacilles, qui peuvent venir dans le système urinaire par le cycle entéro-rénal en particulier chez les personnes constipées chroniques.
  • Le vin par son polyphénol la “rutine” facilite la contraction intestinale et ainsi peut éviter la constipation, si l’on associe à l’alimentation les fibres des fruits, légumes et légumineuses cuites al dente.
  • Le vin agit sur la sphère mentale, ce que résume François Rabelais : « Le jus de la vigne clarifie l’esprit et l’entendement, chasse tristesse, donne joie et liesse. »

Ainsi, avec le vin consommé modérément, pas plus d’un verre à chaque repas, les papilles se régalent, l’estomac s’allège, le cerveau se libère, le cœur se renforce, le foie se protège, les articulations se fortifient, les reins et la vessie s’inondent, les côlons et le rectum se libèrent de leurs déchets. Quelle économie pour la santé !

« Ce n’est pas juste exprimer son goût et dire que c’est plus ou moins bon. C’est aussi écouter une histoire, un chant secret, parfois rustique, parfois élégant, toujours authentique, celui qui a aidé la vigne à bien construire son raisin. C’est elle la musicienne ; vous, les vignerons, ne pouvez être que chefs d’orchestre » Nicolas Joly [5].

Régalez-vous donc. Mais attention, dans ma prochaine lettre, je ferai le point sur les dangers de l’excès d’alcool, qu’il ne faut pas nier ni sous-estimer.

Pr Henri Joyeux

Sources

[1] En 1991, il est invité aux USA sur la plus grande chaîne, CBS News, pendant une heure. Il expose sa découverte du French Paradox : « les Français ont des risques statistiques de maladie cardio-vasculaire 3,5 fois inférieurs aux Américains grâce à leur consommation modérée de un à trois verres de vin rouge par jour, riche en antioxydant, en dépit d’une consommation équivalente de graisses saturées ». Ces déclarations ont un grand impact en Amérique du Nord et en Asie et stimulent la communauté scientifique internationale pour des recherches supplémentaires sur ce sujet. Les exportations de vin français quadruplent aux États-Unis.

[2] Cell Metabolism oct. 2007, vol. 6, pp. 307-319

[3] Jusqu’à 2 g dans les Sauternes

[4] Daily moderate amounts of red wine or alcohol have no effect on the immune system of heathy men – European Journal of clinical nutrition 2005 ; 58, 40-45 – B Watzl & all.

[5] La Vin du Ciel à la Terre – la viticulture en Biodynamie – Ed. Sang de la Terre 2008

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